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Matière(s) à écrire

Note d'intention

L’invasion des écrans dans notre quotidien a modifié nos pratiques de lecture. D’une lecture silencieuse et profonde, nous sommes passés à une lecture fragmentaire et opportuniste, à la faveur du développement d’Internet, de l’hypertexte et du paratexte (i.e. les médias qui accompagnent le texte, tels que les images, les vidéos, etc.) Si la question de la lecture à l’ère du numérique semble aujourd’hui assez bien balisée, on ne peut pas en dire autant des pratiques de l’écrit. Pour autant, les spécialistes des sciences de l’éducation, des sciences cognitives et des nouveaux médias s’accordent à dire que lecture et écriture sont deux pratiques indissociables tant l’écriture sert le lecteur pour accéder et naviguer parmi les contenus qu’il consulte. Cette question de l’écrit émerge aujourd’hui, comme en témoignent le thème des interventions lors du dernier colloque Écritech (avril 2012, Sophia-Antipolis) ou le séminaire préparatoire aux Entretiens du Nouveau Monde Industriel (mars 2012, Paris) sur « écrire le numérique », l’usage des tablettes en milieu scolaire, les outils d’écriture collaborative, etc. Au-delà des questions légitimes que l’on peut se poser sur le devenir de la lecture et de l’écriture avec l’expansion du numérique et l’évolution associée des modes de vie, le numérique réinterroge le statut même de l’écrit dans notre rapport aux autres, au monde, à la connaissance et à l’information.

Dans ce mémoire, je souhaite m’approprier cette question du « statut de l’écrit » par l’expérimentation :

  • dans quels interstices l’écrit s’immisce-t-il aujourd’hui à travers nos pratiques numériques ?
  • quels sens l’écrit revêt-il ?
  • quels moyens puis-je, en tant que designer, mettre en œuvre pour révéler les dimensions de l’écrit et peut-être lui redonner une épaisseur ?

Ces expérimentations sur le matériau que constitue l’écrit pourraient questionner :

  • l’association d’idées : l’écrit est entraîné dans des « canaux » de suggestion, comme par exemple les suggestions des moteurs de recherche ou des moteurs d’écriture tel que le T9 (que se passe-t-il si l’on va subvertit ces associations attendues pour proposer/imposer d’autres suggestions ?) ;
  • la linéarité de l’écrit et de la pensée : le rythme et la fluidité de l’écrit sont saccadés par le caractère fragmentaire de la lecture et le statut d’interface du clavier (quel texte obtiendrait-on si l’on mettait bout à bout tous les caractères tapés au clavier par une personne en une journée ? quels textes pourrait-on dans cette longue chaîne ? est-on capable de trier les mots de passe, les URL, les phrases, les combinaisons de touches, etc. ?) ;
  • le geste : le clavier introduit un intermédiaire entre la pensée et la « feuille » (que se passe-t-il si l’on pirate le clavier pour qu’apparaisse à l’écran autre chose que ce qui est écrit ?) ;
  • le lien : l’écrit joue souvent le rôle d’index, d’hyperlien, de requête et a donc pour vocation de pointer sur un autre contenu avant de porter du sens en soi (peut-on inverser ce rapport et imaginer, par exemple, que l’image puisse indexer le texte ? serait-on capable de deviner la requête ayant produit une collection d’images sur Google) ;
  • etc.

En outre, la question de l’écrit numérique et de sa virtualité met en abyme la notion même de mémoire en tant que mise en forme par l’écrit. Cette confusion entre fond et forme peut être l’occasion de réinterroger la forme même du mémoire (quel sens cela a-t-il de restituer ces expérimentations par le papier ? par le numérique ?) et les rapports que peuvent entretenir le papier et le numérique vis-à-vis d’un même contenu (la combinaison du papier et de l’écran et les allers-retours de l’un à l’autre révèlent-t-ils les mêmes aspects de la pratique de l’écriture ?)

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